LYON 1ère

LES INCROYABLES SOUVENIRS D’ALAIN CHEMEDIKIAN, EX BRAQUEUR LYONNAIS (INTERVIEW)

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Alain Chemedikian

Alain Chemedikian a 72 ans. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir l’œil qui frise, lorsqu’il évoque les souvenirs de ses années de braqueur. Ce lyonnais, d’origine arménienne, a purgé vingt ans de prison, dont sept à l’isolement, et s’estime chanceux. « Je ne sais pas comment mon avocat a fait, mais heureusement qu’il a réussi à transformer ça. J’étais condamné à perpétuité. La prison n’apporte rien. Moi j’ai tenu avec la haine, et cet avocat qui savait trouver les mots pour me calmer. » confie-t-il.

Ses mémoires de malfrats sont disponibles, aux éditions Nouveau monde. Dans « Gang de flics », cet ancien plâtrier raconte une partie des quelques 120 braquages auxquels il aurait participé ( il n’a été reconnu coupable que de la moitié) avec ses complices, dans les années 85 à 90… Des complices pas comme les autres : ils étaient presque tous flics ! « A l’époque, c’était facile d’entrer dans la police. Ces gars là n’avaient pas l’âme de policiers. Après notre gang, la façon de recruter les flics a évolué, d’ailleurs. Parfois je me dis que le ministère de l’intérieur devrait nous en remercier » souligne-t-il malicieusement.

Alain Chemedikian a vraiment la gueule des acteurs des grands polars. Son regard évoque un peu Lino Ventura. mais il se défend d’avoir été un héros, ou même une sorte de Robin des bois. « J’ai aidé des gens dans le besoin, à l’époque, c’est vrai. J’ai toujours été de gauche. Mon idole à moi, c’est l’Abbé Pierre. Je n’ai jamais oublié le quartier de Décines où on a grandi. Il y avait toutes les nationalités et on vivait tous ensemble sans problème. Mon père rentrait à 18h après une dure journée à l’usine. Et le patron venait encore le chercher pour travailler jusqu’au soir. A l’époque, on n’osait pas refuser. On se disait : que vont penser les français ?« 

Incroyable récit d’une vie de malfrat dans laquelle il est tombé « presque par hasard« , son livre co-écrit avec Frédéric Ploquin revient sur des années de double-vie. Ancien ouvrier-plâtrier, puis propriétaire d’un café qu’il avait acheté à Chasselay, Chemedikian y organisait, planifiait ses braquages avec son gang. Il anticipait tous les problèmes : « L’important, c’était de bien assurer les repérages. On passait du temps à observer devant les supermarchés, ou les stations-service. Il s’agissait de comprendre comment circulaient les billets. Il n’y avait pas les Euros à l’époque. Et surtout, je prenais une carte routière et je repérais le chemin du retour minutieusement. Histoire de disparaître au plus vite. Quitte à aller sur place pour mettre des flèches avec de la peinture sur le sol, par exemple…  » Même si la lecture de son histoire peut parfois prêter à sourire, elle se terminera mal… avec trois homicides qui couteront cher à l’intéressé. L’ensemble du gang sera arrêté le 12 novembre 1990.

Aujourd’hui, Alain Chémédikian a changé de vie, et a tourné la page. « Je travaille, j’aide des personnes handicapées, et de temps en temps je défends les causes qui me tiennent à cœur. Je suis allé soutenir les Gilets jaunes, par exemple » explique cet ancien voyou, qui avoue tout de même avoir -encore récemment- été contacté par des braqueurs qui souhaitaient… profiter de ses conseils. Mais promis, c’est fini. Dorénavant, Alain veut profiter de sa famille, et rester tranquille…